jeudi 30 octobre 2008

Poétique et politique des victoriens

Il faut aller voir ce qui est contenu, en épaisseur d'histoire culturelle, dans le pronouncement de Shelley (ou son gel en un pronouncement par son usage culturel), selon lequel les poètes, comme capables d'apprécier "intellectual beauty", sont "the unacknowledged legislators of the world".

La lecture de la biographie de J.S. Mill, (Richard Reeves : John Stuart Mill. Victorian Firebrand) rappelle la particularité de ce nouage culturel victorien, (post)romantique, du politique (le temps des réformes, car le temps d'une modernisation politique massive) et du poétique (les fonctions XIXème de la figure sociale du poète. Wordsworth, Coleridge, Tennyson, Arnold, etc.).

Politique : rapport de forces

Un dégagement, une zone de lucidité, de simplicité, acquise : le politique, comme simplement : rapport de forces. L'ensemble est contenu là, et prêt à s'activer pour un effet critique continu ; comme force critique.
"Force", c'est le flux du pouvoir ; "forces", c'est ses incarnations, cristallisations nécessaires, dans des instances. Mobiles (et le plus souvent plus mobiles qu'elles ne le voudraient).
"Rapport", c'est la simple notion que le pouvoir joue dans la dimension nécessaire de la polis, du collectif, de la pluralité, nécessairement critique et historique donc. Nuls objets dans le politique, pas plus que dans le linguistique (la linguistique, science des rapports ; science du différentiel), mais seulement des rapports. Soit de l'histoire. Le purgatoire comme mobilité (Beckett).

Histoire relationnelle du pouvoir.

mercredi 29 octobre 2008

Plasma, rythme : pensées de l'historicité

Bien sûr à noter, cette maille : que le plasma bien mis au jour comme concept formateur de la sophistique - le logos comme plasma - par B. Cassin, est un concept pratique de l'historicité, qui a une valeur proche du rythme repris par la philologie-culturologie de Benveniste.
Puis, tout le développement de Meschonnic.

mardi 28 octobre 2008

savoir et management - et histoires du savoir

Je crois en effet ça, Luc Boltanski l'a évoqué dans des termes qui me permettent de le pointer plus précisément (à "La Suite dans les idées" de la semaine dernière, consacrée à la republication du n°1 des Actes, sur la formation de l'idéologie dominante - Bourdieu et al., et la parution à même date d'un commentaire d'accompagnement et recontextualisation par LB) : que les savoirs contemporains - ceux qui ont la lumière sociale sur eux ; ceux qui sont pertinents, positionnés pertinemment dans l'espace social, culturel, scientifique, idéologique actuel - sont ceux qui montent du management. ça donne un tout autre air à l'histoire des disciplines scientifiques. ça donne aussi des perpectives et dispositions tout autres : commencer, dans une formation supérieure actuellement (me souviens pas laquelle LB évoquait : IEP, grandes écoles, ENA, etc. ?), par apprendre le management. Fondement, code et substrat. Après on peut...
Nécessaire d'être conversant avec ça ; de savoir les discours, leurs modes, leurs références, leurs tons et leurs implications. Et apprendre à mesurer ce que ça déporte, exactement, d'une pensée contemporaine de la culture, de la société, de la politique (de l'économie, évidemment).

Transformation des conditions sociales du savoir. Immenses.
Des lieux qui m'atirent pour leur expérience, critique, de ça : j'en suis en ce moment au Weber de la Première Guerre mondiale, et commence à mieux me rendre compte de la constellation historique que forment les Husserl de 1936, Heidegger, Arendt, avec le désarroi de voir se démailler une telle histoire de la culture allemande. De l'Allemagne comme culture, et comme même culture mondiale, La culture, et sa mission pour le monde, développée en termes puissamment nationalistes, ou en souffrances de nation. (Pourquoi les situations des penseurs juifs sont critiques là.) Les conditions du savoir, et du travail intellectuel, et les plastiques inattendues, abîmes d'inédit, d'une refonte des termes du social.

samedi 25 octobre 2008

Poétique critique, et politique du savoir

Des points, simples, où la poétique - la poétique des langues, poétique de l'étranger - à de quoi développer une prise comme "science critique et historique" (Saussure) : le plan de la politique des langues, où se joue une telle part de la politique locale et mondiale, et de la géopolitique actuelles (en particulier, le déplacement de l'attention : du politique, cadre Guerre Froide, au culturel, cadre mondialisation et rapports postcoloniaux) ; le projet européen dans son ensemble ; et l'ensemble des phénomènes du postcolonial tressés à ceux de la mondialisation (par le Globish - qui est aussi le déplacement de l'atttention : du social à l'économique. Ici, commencer par Weber déplaçant Marx) ; le libéralisme contemporain (déplaçant l'attention de la nation au marché, éventuellement en explosant en passant le cadre des Etats). Ses incarnations dans "la nouvelle grande transformation" (Y. Moulier Boutang) du capitalisme, maintenant cognitif, conceptuel, créatif, culturel, social.
C'est beaucoup. C'est bien le présent.
Politique du savoir : là, simplement, la ligne d'enjeux.

mercredi 22 octobre 2008

Culture de l'économie

Laurence Fontaine : L'économie morale : Pauvreté, crédit et confiance dans l'Europe préindustrielle (Gallimard, sept. 2008).

Présentation de l'éditeur : L'air du temps chez les économistes, les sociologues, voire les historiens, est à réflexion: existe-t-il une alternative à cette forme nouvelle d'ensauvagement qu'est devenu le libéralisme économique. pour lequel tout peut désormais s'échanger compris la vie, comme des biens ordinaires? Réponse la plus courante: le retour à l'économie du don et le développement du microcrédit, observé dans les pays du tiers monde. Aidant les êtres à se désengluer de la misère plutôt qu'à faire fructifier l'argent sur le marché de la spéculation financière, le microcrédit est aujourd'hui paré des atours d'une économie morale parce que solidaire. Ces deux formes d'activité économique ont déjà existé dans l'Europe moderne. L'économie, fondée sur la confiance et le crédit, est alors encastrée dans des enjeux sociaux qui la dépassent. Loin de consolider un cloisonnement, le crédit et sa toile embrassent toutes les hiérarchies - groupes sociaux, institutions et régions dans des dépendances où chacun - les hommes et les femmes selon des modalités spécifiques - se trouve être à la fois préteur et endetté. Se tissent ainsi des réseaux d'obligations en cascade, donc de pouvoir, dans les espaces géographiques sociaux les plus variés. La relation de confiance entre créanciers et débiteurs, prêteurs et emprunteurs. constitue un lieu social fondamental. Deux cultures économiques - la féodale et la capitaliste - se côtoient, chacune portée par des valeurs spécifiques. s'affrontent mais également s'influencent au point de se transformer. Restituer le champ des expériences possibles ou communes rend, du même geste, les multiples tensions qui traversent les sociétés: au niveau collectif, entre des sociétés d'ordre et de statut et le développement parallèle de rationalités économiques; au niveau individuel, entre les exigences contradictoires des diverses appartenances des individus, leurs aspirations et la réalité éprouvée de leur expérience ordinaire. Des allers-retours entre hier et le plus contemporain, servis par le sens de l'exemple, de l'anecdote et de la narration, Laurence Fontaine en use à la maniére de Marc Bloch - comme d'une baguette de sourcier -, pour l'intelligence de la réalité passée, telle qu'elle peut être reconstituée. et la préfiguration utopique d'un univers plus humain.

Laurence Fontaine est historienne, directrice de recherche au C.N.R.S.

vendredi 17 octobre 2008

Sociologie de la crise

Bourdieu fabrique une intelligibilité sociologique de l'Homo academicus à partir de la dynamique problématique, révélatrice, de la crise - ici, Mai 1968, et toutes ses dynamiques sociales.
A partir de là, il entre dans de l'extrêmement fin des dynamiques (trajectoires, cursus honorum, carrières, et prises de position en temps critique) au personnel du social. Parle des pulsions et impulsions, souvent pathétiques, d'individus ou groupes attachés à défendre leur être social - derrière les prises de position politiques. Parle des conflits de légitimité qui éruptent dans les discussions ultimes auxquelles la politisation d'une situation de crise amène, et de l'imposition de révisions déchirantes aux agents d'un ordre ébranlé. Parle de l'authenticité comme effet de position sociale, en distinction des sincérités multiples entre lesquelles les dominants ont à se mouvoir de lieu social et lieu social.
Prend, surtout, la crise comme point d'observation. La crise de reproduction culturelle, qu'est la crise universitaire de 68, comme guerre culturelle. Où un rapport est à construire avec les Culture Wars qui ont découlé ouvertement, publiquement, du liberalism des Sixties américaines.

Enormément à récolter ici, et pour la situation de crise actuelle. Y mesurer les nouveautés tout à fait inouïes. Y mesurer la situation des Lettres et sciences humaines, du langage et de ses disciplines, des valeurs de la scientificité, etc. Et d'une réactualisation violente de ce qu'est une "politisation", un ordre culturel, etc. Ce qu'est une société.
La crise financière actuelle, avec ses vagues chaotiques de recapitalisations - dont Wendy Brown, interrogée par Sylvain Bourmeau dans La Suite dans les idées cette semaine, rappelle pointedly qu'elles ne sont en rien des nationalisations comme socialisations -, venant poser avec une violence ahurissante la question de la société. Du social. Alors que de socialisme il n'y a plus, pour fournir un cadre à la réflexion. 'Cause there is such a thing as society, contrairement à l'idéologie thatcherienne ; mais aussi 'cause the usable notions of society are now unrecognizable. Il va falloir pédaler vite et fort, pour penser la société - et pour produire sous nos pieds la possibilité même de sciences de la société, sciences de la culture.

Naipaul, le peuple

Naipaul d'une puissance impressionnante. La biographie de Patrick French (The World as It Is, 2007) permet de suivre un récit de son parcours : la trajectoire qui m'intéresse étant particulièrement celle qui part du roman (Biswas) à la nécessité de sortir du roman, de l'étirer, de le mixer à l'essai et au travel writing, au journalisme même, dans le projet d'une écriture des peuples. D'où la référence régulière à Balzac, romancier, qu'il va falloir déplier soigneusement.
NP entame une thèse sur Naipaul lu à la lumière du Roman historique de Walter Scott : Balzac est dans le même horizon de comparaison, tirant l'attention vers les modalités d'écriture des sociétés. En produisant pied à pied des complexités infiniment élucidantes.
Et la qualité de lucidité de la prose, en effet. Naipaul et la prose - peut-être plus précisément que le roman ou le travel writing etc.
An Area of Darkness, the spell I'm under right now.

mardi 7 octobre 2008

"Defend Science " et "Concerned Scientists"

Je reçois :

Politique scientifique - La science menacée aux Etats-Unis ?
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56089.htm

Un appel, publié dans le New York Times du 9 septembre 2008, a été lancé par plusieurs scientifiques et chercheurs américains afin d'alerter l'ensemble des américains sur de récentes interventions de la politique dans le domaine de la science aux Etats-Unis. Selon cet appel, les disciplines scientifiques seraient actuellement menacées par des programmes politiques visant à privilégier l'intérêt de l'industrie et des partisans du créationnisme sur le bien-être du peuple américain, notamment en matière de santé, d'environnement et de sécurité nationale.

Cet appel, "Défendre la Science" (Defend Science) est un texte alarmiste dénonçant un certain nombre de dérives observées dans l'ensemble de la communauté scientifique américaine [1]. Ainsi, certains résultats de recherche se seraient vus modifiés afin de correspondre aux programmes politiques actuels. De même certains financements de recherche auraient été interrompus, ces recherches étant jugées incompatibles avec les fondements de la théorie du créationnisme [4].

De plus, ce texte souligne l'importance de conserver une démarche scientifique. Au-delà des idéaux religieux, la science représente l'enseignement d'une démarche scientifique basée sur la volonté de faire progresser les connaissances. Ce texte rejoint ainsi les inquiétudes émises par l'Union of Concerned Scientists sur la problématique de l'intégrité de la Science aux Etats-Unis [3]. Cette communauté de chercheurs a ainsi émis un rapport en 2004 mettant en évidence un certain nombre de dérives à l'échelle nationale remettant en cause les fondamentaux de la démarche scientifique.

Si le débat entre les partisans du créationnisme et ceux de la théorie de l'évolution n'est pas nouveau, l'adhésion aux idées créationnistes d'un certain nombre de membres du gouvernement occupant des postes à haute responsabilité, a depuis quelques années influencé les domaines de recherche scientifique privilégiés ainsi que le système d'enseignement(1). En effet, la théorie de l'évolution étant un des piliers de la science, l'enseignement des sciences serait remis en question dans plusieurs établissements secondaires du pays au nom du créationnisme.

Jusqu'à ce jour, "Défendre la Science" a recueilli plus de 6.000 signatures dans la communauté scientifique internationale. En cette période de campagne présidentielle, ce texte permet de relancer le débat sur le rôle et les devoirs de la science quant au leadership technologique et à la compétitivité des Etats-Unis. Cette thématique a ainsi fait l'objet d'un débat public le 30 août dernier, au cours duquel les deux candidats à la présidence se sont exprimés sur les principales problématiques scientifiques [2]. Les problèmes de l'enseignement des sciences et de la liberté de la recherche scientifique ont été débattus en tant que tels et reconnus comme condition nécessaire à l'aboutissement de toute recherche scientifique.


Pour en savoir plus, contacts :
Site de l'Union of Concerned Scientists : http://www.ucsusa.org/


Source :
- [1] An urgent call by scientists to: DEFEND SCIENCE. New YorkTimes (9 Sept. 2008) - http://www.defendscience.org/statement.html
- [2] Science Debate 2008. (30 Août & 15 Sept. 2008) - http://www.sciencedebate2008.com/http://www/index.php?id=42
- [3] Scientific Integrity in Policy Making. An investigation into the Bush Administration's Misuse of Science, Union of Concerned Scientists (Mars 2004) - http://www.webexhibits.org/bush/1.html
- [4] Science under siege: Scientific Integrity at the environmental Protction Agency - Audition à la commission de l'Energie et du Commerce. Audition du 18 Sept. 2008 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/LugJB

Rédacteur :
Agathe Dumas (deputy-envt.mst@ambafrance-us.org)

Evaluation : dans les champs discursifs d'origine

info diffusée par la SAES (F. Poirier). Il s'agit de l'homme de la stratégie, et de la stratégie des dépenses publiques. Il s'agit le l'homme du choix (sa première figure incarnée pour moi historiquement en Margaret Thatcher). Le sujet libéral.
Il faut aller regarder Hayek sur la société, sur l'inexistence de la société, quand tout (le marché) est conçu comme un flux d'information. C'est une anthropologie du langage. Qui débouche dans un déni du social. Déni musclé.
Je cite F. Poirier :

Une nouveauté du côté du très officiel "centre d'analyse stratégique", une publication en ligne
sur l'évaluation des politiques publiques. Rien encore sur l'enseignement et la recherche, mais
ça viendra, n'en doutez pas. Je cite cette "affaire d'homme" (sic) :

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Les Cahiers de l'évaluation de la Mission d'évaluation des politiques publiques viennent de
paraître. Ce nouveau bimestriel électronique présente des dossiers thématiques visant à rendre
accessibles à un large public les enjeux de l'évaluation, ses méthodes ainsi que les pratiques internationales dans ce domaine. A travers des dossiers très divers, cette revue documente l'idée selon laquelle l'évaluation est une affaire d'homme confronté à des choix. Dans cette perspective, chaque dossier présentera l'interview d'une personnalité à l'expérience reconnue.

Dossier « Calculer pour décider » vol. 1 et 2 :
www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=902
Ce premier dossier (présenté en deux numéros) est consacré au calcul économique, référence mondiale en matière d'évaluation des politiques publiques.

Télécharger les Cahiers de l'évaluation au format PDF :
www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/cahiers1-2.pdf

jeudi 2 octobre 2008

Rapport Maalouf : "multiplicité des langues", Europe

Le Rapport Maalouf, intitulé Un Défi salutaire. Comment la multiplicité des langues pourrait consolider l'Europe : et "Proposition du groupe des intellectuels pour le dialogue interculturel constitué à l'initiative de la Commission européenne" - Bruxelles 2008.

Noter aussi : le site de l'Observatoire européen du plurilinguisme.