jeudi 23 septembre 2010

Histoire intellectuelle, Pouchepadass

Les connexions que fait J. Pouchepadass, pour redessiner une généalogie des poco à présenter au lectorat français : fines, délicatement. Chacune ouverte sur tout ce qui peut s'ouvrir dans le défilé de sa perspective.
French Theory, poststructuralisme et postmoderne, multiculturalisme nord-américain [just a little cryptic this one], cultural studies (et S. Hall comme point de référence), sociologie de la connaissance, Habermas, marxisme, postmodernité (en effet à distinguer de "postmodernisme").
Bien des points de nouages, délicats. Situation, fine par largeur de vue. (Par anglophonie large, aussi : y compris dans la différenciation entre britannique, australien et américain, je note).

Modèle Inde / modèle Caraïbes

Ou peut-être plus simplement, modèle noir. Plus simplement pour un large pan (non la totalité). Mais ce n'est pas question de zones, de parts, de quantité : question au contraire d'histoire des forces critiques et politiques. Ici alors bien : noir, c'est bien par WEB Du Bois, par CRL James ; M. Garvey s'il faut. Et de noir, brown (quel moment d'émergence? J'en prends la trace dans Spivak, "Can the Subaltern Speak?", "brown woman" & "white man"). Sud. Une autre branche que celle exactement des luttes anticoloniales en leur mondialité spécifique (3rd, socialiste, internationaliste, dont panafricaniste).

En tout cas, lisant J. Pouchepadass dans La Situation postcoloniale (dir. MC Smouts, 2007, presses de Sciences Po, cadre du CERI) : qui reprend avec finesse l'histoire des débats contre les poco : une note. Dans le champ de forces polémique sur "l'intellectuel postcolonial" : argument de la lutte des classes, et its playing out dans la lutte des places, cette petite notion pénétrante ciselée par la sociologie des champs culturels Bourdieu-Charle etc. (en continuité avec celles de carrière comme trajectoire individuelle dans les champs) Les fâchés : Arif Dirlik, Aijaz Ahmad, Kwame Anthony Appiah - tous aux franges, aux alternatives, différenciantes, de la position grave du modèle Inde : turc, Chine, arabe, Afrique, ces mouvements ces histoires qui sont lourdes d'histoire assez pour déséquilibrer les points d'arrêt posés depuis le modèle Inde. Ces forces, critiques, effectivement remobilisantes. Et moins malgré la légère mauvaise foi (ici aussi, concept de sociologie, Bourdieu le prépare comme tel, "Champ de production culturelle") que par elle, en tant qu'elle est productrice, par le poids qu'elle lance dans un ensemble à l'équilibre, de physiques critiques renouvelées. Décalages, remobilisations.

Sociologie de la connaissance / société de la connaissance

How did I not mark this earlier? Or did I and then forgot?
Il s'agit de sociologie de la connaissance ; il s'agit de l'existence reconnue, balisée par des travaux des formulations des dispositions du champ [Bourdieu fondamentalement, & Passeron, C. Charle, puis toutes les lignes qui s'y mettent en faisceau ou prolongement ou rétrospective : Bourdieu peut y intégrer Foucault, par histoire]. Un concept et un mode d'analyse existants, réalisés (- comme programme ouvert, avec déjà ses produits nombreux in its stride).
Bourdieu, dans "Conditions sociales de la circulation internationale des idées" (Actes). Où il resitue calmement - toujours ce calme particulier, sentiment critique caractéristique de la sociologie ; Marie-France Pouly le note - une reconnexion de Foucault avec un Nietzche non comme irrationaliste (non allemand, dans ce sens) mais utile contre les anhistoricismes méthodologiques des pratiques françaises de l'épistémologie. Pour une généalogie.
Sociologie de la connaissance ; histoire des idées ; que Bourdieu just nudges towards "histoire sociale des idées" ("Conditions", à propos de Foucault).

Donc maintenant : une sociologie de la connaissance est disponible ; et peut être dirigée à confronter, à take on, la machine de guerre, idéologème, "société de la connaissance" (en confusion avec économie de la connaissance, la société étant rendue idéologiquement coextensive au marché, d'accord).
Pour ouvrir encore l'arsenal à disposition, encore une ouverture de comparaison, par l'antérieur dans la chaîne des transformations : le moment de l'épistémologie dans la pensée (philosophie?) en France : Bachelard, Canguilhem. Les formes de l'histoire des idées et de l'histoire des sciences. Comment ça vient, par quelles dynamiques ; dans quelles situations nationales des institutions de savoir.

A situer aussi, Habermas sur les rapports Connaissance et intérêt (1968).
Dans une histoire plus large, plus floutée, où influe grandement le schème marxiste du rapport théorie/praxis, et théorie/lutte collective.

lundi 20 septembre 2010

Khmers Rouges

Cambodge des Khmers Rouges :
http://video.google.com/videoplay?docid=-5775698660919254082#docid=-8713486037515004509

Documents / politiques du savoir

Rapport annuel de l'ANR : http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article3999

Un commentaire du second rapport du CDHSS par Sophie Roux (Grenoble I, blog "Evaluation en SHS") : http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article3998

samedi 18 septembre 2010

Travail intellectuel ; travail dans les lettres

Etonnée de me trouver ici (je disais déjà ça, je tombais déjà sur cette réalisation, au moment d'écrire et de perform le topo similaire de la soutenance de thèse, 1993) : avec ce savoir dans le corps, et cette position dans le savoir ; poussée là par l'âge ("carrière" : on est sur ce rail, tel qu'il est) et par le travail (et par l'encadrement, erratique toujours, de la culture de soutien, ses institutions, acteurs et adventices). C'est C. Newfield qui m'a mis ça dans la tête - écho à R. Sennett, nostalgique mais cherchant à se démêler, se bricoler un rapport ici maintenant avec la question du travail, après son immense chantier à partir de Marx et des liquidations de Marx - : craft labor, this. Sentir que je sais faire avec les textes et avec la texture de ce qui se passe quand on lit, écrit, réfère, connecte, voit monter des connections et des propositions, des dégagements, des simplicités théoriques soudaines qu'on peut dérouler par précision (exploratoire, tâtonnante, tranchant) du langage. Une expérience, une familiarité avec ces matériaux, et leur contact avec mes corps et mes modes. Capacités.
Comment le pensé s'étend comme nappe, tissé, partout prêt à se connecter, à bifurquer, filer à toute vitesse par le travers. Comment on peut reprendre l'énoncé, par tug and clip and tweak. Comment le langage, intimidant et lourd comme une chappe, est aussi léger comme un voile, comme un filet empesé juste assez, à lancer - on apprend à connaître ces poids, pour savoir comment lancer, comment disposer le sens qui va venir.
On apprend aussi, effectivement (c'est la surprise, que cette formation soit possible, et charnue), à savoir faire avec les bibliographies, avec les livres et tous les rapports de lecture, avec la malléabilité du discours et des discours : le labour comme le passage, et le frôlé, la simple situation ; ce qui s'absorbe et se sémantise par le simple contact avec un titre, quand on a dans le corps l'histoire de contact avec des milliers de titres. Une histoire, faite en volume, de familiarité avec cet objet mouvant et océanique (l'expérience de l'infini, répétitivement paralysante ; il faut une sorte d'artifice de courage pour se persuader que quelque part plus loin on pourrait savoir que cet infini est une condition de bon, vivant, vitalisant).
On l'apprend beaucoup en regardant faire les congénères, les débutants, les savants, les générations. Les habiles, les malhabiles, les créateurs - logothètes.
Quelque chose comme une assurance, étonnante. De commencer à être quelque chose comme ce qui est projeté comme l' à. "Tâche", "ce que fait", etc. [JJL : la sensation de "being a fraud" ; la question de "l'autorité", et celle qui vient. Soit : celle qu'on n'a pas besoin de fret about, de laborieusement engineer, comme un être à se créer de toute pièce mais simplement à devenir - si devenir il doit y avoir. Sensation incroyable quand, fleetingly, passent les moments où on peut dire : here.

Ce qu'est une formation discursive. Comment on fait avec, dans ; comment on traverse. Comment c'est nexus, mobile, de choses anciennes et de choses du moment. Comment les formations sont inchoatives, faites chaque. Comme ça reconnecte ; ramifications toujours poussant ; les directions justement imprévues. Et libre de rétrospection. Travail, délibéré, de rétrospection, de reprise, réévaluation.
Comment ça s'enmaille avec le social, ses avenues à la grande lumière de l'officiel comme à l'obscur des parcours inconnus. Matérialisme du discours. "Circulations".

mercredi 15 septembre 2010

Newfield - au-delà du capitalisme cognitif

S'il y a toujours - ordinaire ici du travail et non héroïsme de la brèche, avant-gardiste, rêvant une location de l'au-delà - un maintenant à constituer (cf G. Stein, composition as explanation), alors peut-être examiner ce qui se profile si on regarde plutôt one step beyond l'hypothèse du capitalisme cognitif. Newfield le fait sentir déjà comme une histoire, liée aux espoirs libertaires-libéraux, aux possibilités d'un nouveau compromis de classe, d'une nouvelle modernité, de l'époque dot-com et redémarrage de Silicon Valley, creative class, innovation, start-ups. Le début des années 2000 (sinon les mid-90s). Richard Florida : 2002. Déjà décliné par le choc de 2008, et avant même - par? La dot-com bubble burst. Et? (A recomposer).
Mais l'hypothèse : le post-industriel est déjà passé, périmé comme outil d'analyse, et de valeur historique maintenant : appui pour comprendre ce qui change à partir de lui. Il est repéré depuis Daniel Bell quand même, 1973 (qui présentait son étude comme "a venture in social forecasting" : question d'historicité, et de vitesse ; de changement). Il est lui-même non le nouveau qui oriente la période des 30 Glorieuses vers la "counterrevolution" (Newfield) des 80s, mais bien ce qui a motivé la prospérité desdites 30 : le savoir comme pouvoir, le développement de l'éducation, l'hyperdéveloppement, "démocratisation", de l'enseignement et de l'université (sa transformation en lieu de masse) ; le développement de ce qu'on appelait les "services". Tertiaire. La période qu'on tend à qualifier maintenant de "société de la connaissance" (période tardive), postindustrielle, de l'immatériel etc. : plus précisément celle de la capitalisation de cette massification, ce déploiement général du tertiaire : sa hiérarchisation, sa prolétarisation, the deskilling, stratification, délocalisation, déracinement social. Cognitariat.
Bien capitalisme cognitif.
C'est à la prolétarisation qu'il faut être attentif : là que ça change et que ça pousse. Là que c'est minorisé, dont potentiellement minoritaire ; potentialisé par la minorisation, comme force de déséquilibre. Ici où marquer la critique avec Negri & Hardt, avec les courants qui sont expérimentés par le groupe de Multitudes, les associations ou tendances possibles avec le libertarisme des "singularités", et les optimismes - conscients des acidités, je ne l'oublie pas - des Yann Moulier Boutang, des deleuziens, des spinozistes? (à voir).

Savoirs sociaux d'une analyse du capital

Le marxisme a dégagé toutes ces avenues, ces visions qui embrassent large (et par là filent vers des gigantismes aux erreurs catastrophiques, aussi). De même, les critiques de la WW1.
E. Filhol, La Centrale, des ouvriers des industries nucléaires, 16 : "Chair à neutron. Viande à rem. On double l'effectif pour les trois semaines que dure un arrêt de tranche. [...] Ce que chacun vient vendre c'est ça, vingt millisieverts, la dose maximale d'irradiation autorisée sur douze mois glissants. Et les corps peuvent s'empiler en première ligne, il semble que la réserve soit inépuisable."

Il y a la sentimentalité de ça (les visions génocidaires, populicidaires, infernales - le XIXème les a rôdées, à partir des notions de masse et de classe etc.). Mais et la qualité critique de la perspective systématique. Qui fait voir les sujets comme traversés, par des forces, collectives, aux puissances méta-individuelles.
D'une part : Le Bon et les foules, et tout ce qui s'ensuit.
De l'autre : the flip between méta-individuel et transindividuel. Un drame tendu là, de la démocratie. Culture/politique, bien repéré et décliné par les marxismes successifs ; peuple/peuple.

Anthropologie : des dynamiques de pouvoir

Elizabeth Filhol, La Centrale, 2009, entreprise étonnante. Une qualité de proche étonnante. (La prose même rude comme du béton, uncompromising, au ras. Le point de vue calé avec sévérité, austérité). Les ordres performés par le gardien qui filtre aux entrées et sorties de la centrale :
14 : "mais pour le rire, le rire franc et massif, il faut une bonne plaisanterie de la part d'un gars placé haut dans la hiérarchie du travail en centrale, je ne parle pas de la hiérarchie officielle mais de l'autre, celle qui circule entre nous, dont on se fait une idée assez vite, et lui le gardien qui connaît votre tête et depuis combien de temps elle tourne sur les chantiers, qui dispose d votre pedigree sur écran, lui plus qu'un autre détient les codes et le moyen de vous anoblir, simplement par la façon qu'il a de vous fait l'accueil devant les copains."
Travail de l'étude culturelle, sociale : la sensibilité aux flux de ces pouvoirs, qui sont du sens et du politique.

Où le pouvoir - où il passe

Newfield, qui retisse - effort extrême, et rare - les causalités des Culture Wars, du néolibéralisme et de la mise en crise de l'université publique américaine (The Unmaking, 2008) : 263 : "the culture wars created a void where the relevant cultural capabilities might be. [...] From this terror [Lyotard's description for the disqualification of a player in a shared game, here the university in postwar prosperity class compromise] came the decline of the interpretive capability to tell the difference [between creationism and evolution for instance], and the decline of the professional structures that could validate this capability. In the 2000s, the United States needed knowledge about cultural variation, knowledge about economic effects, knowledge about actual political forces."
Il s'agit de ça. Les SHS, le "craft labor" intellectuel (qui prend cette forme moderne - elle est à critiquer aussi, on ne s'en gardera pas ; elle a bien son histoire), ce que j'y cherche certainement : la recherche des moyens, toujours nécessairement nouvellement affûtés, pour l'analyse des flux de pouvoir, et l'actualisation des perspectives sur les jeux, les forces. Où passe le savoir (comme soft power now and ever), où passe le pouvoir. Où se font les recompositions, les changements, les rééquilibrages, violents ou creeping, les historicités où basculent les forces, où elles se reconfigurent, méconnaissables, toujours faciles à méconnaître.
L'histoire du pouvoir : Foucault continue à en mettre la sensation à disposition, à partir de l'idée des régimes historiques de gouvernementalité ; l'idée même de l'historicité des modes du pouvoir. Le fil de cette histoire. Où le pouvoir est, mais pour ça : où il passe, comme une ligne de crête, ligne de front (lisse, au sens de Deleuze : partout, et infiltrant par le minoritaire). Où il tire, en déformant les identités et les institutions, en divisant, en contredisant, en stratifiant, hiérarchisant. Toujours les ordres et leurs remodelages en cours, en pression multipartites.