samedi 18 septembre 2010

Travail intellectuel ; travail dans les lettres

Etonnée de me trouver ici (je disais déjà ça, je tombais déjà sur cette réalisation, au moment d'écrire et de perform le topo similaire de la soutenance de thèse, 1993) : avec ce savoir dans le corps, et cette position dans le savoir ; poussée là par l'âge ("carrière" : on est sur ce rail, tel qu'il est) et par le travail (et par l'encadrement, erratique toujours, de la culture de soutien, ses institutions, acteurs et adventices). C'est C. Newfield qui m'a mis ça dans la tête - écho à R. Sennett, nostalgique mais cherchant à se démêler, se bricoler un rapport ici maintenant avec la question du travail, après son immense chantier à partir de Marx et des liquidations de Marx - : craft labor, this. Sentir que je sais faire avec les textes et avec la texture de ce qui se passe quand on lit, écrit, réfère, connecte, voit monter des connections et des propositions, des dégagements, des simplicités théoriques soudaines qu'on peut dérouler par précision (exploratoire, tâtonnante, tranchant) du langage. Une expérience, une familiarité avec ces matériaux, et leur contact avec mes corps et mes modes. Capacités.
Comment le pensé s'étend comme nappe, tissé, partout prêt à se connecter, à bifurquer, filer à toute vitesse par le travers. Comment on peut reprendre l'énoncé, par tug and clip and tweak. Comment le langage, intimidant et lourd comme une chappe, est aussi léger comme un voile, comme un filet empesé juste assez, à lancer - on apprend à connaître ces poids, pour savoir comment lancer, comment disposer le sens qui va venir.
On apprend aussi, effectivement (c'est la surprise, que cette formation soit possible, et charnue), à savoir faire avec les bibliographies, avec les livres et tous les rapports de lecture, avec la malléabilité du discours et des discours : le labour comme le passage, et le frôlé, la simple situation ; ce qui s'absorbe et se sémantise par le simple contact avec un titre, quand on a dans le corps l'histoire de contact avec des milliers de titres. Une histoire, faite en volume, de familiarité avec cet objet mouvant et océanique (l'expérience de l'infini, répétitivement paralysante ; il faut une sorte d'artifice de courage pour se persuader que quelque part plus loin on pourrait savoir que cet infini est une condition de bon, vivant, vitalisant).
On l'apprend beaucoup en regardant faire les congénères, les débutants, les savants, les générations. Les habiles, les malhabiles, les créateurs - logothètes.
Quelque chose comme une assurance, étonnante. De commencer à être quelque chose comme ce qui est projeté comme l' à. "Tâche", "ce que fait", etc. [JJL : la sensation de "being a fraud" ; la question de "l'autorité", et celle qui vient. Soit : celle qu'on n'a pas besoin de fret about, de laborieusement engineer, comme un être à se créer de toute pièce mais simplement à devenir - si devenir il doit y avoir. Sensation incroyable quand, fleetingly, passent les moments où on peut dire : here.

Ce qu'est une formation discursive. Comment on fait avec, dans ; comment on traverse. Comment c'est nexus, mobile, de choses anciennes et de choses du moment. Comment les formations sont inchoatives, faites chaque. Comme ça reconnecte ; ramifications toujours poussant ; les directions justement imprévues. Et libre de rétrospection. Travail, délibéré, de rétrospection, de reprise, réévaluation.
Comment ça s'enmaille avec le social, ses avenues à la grande lumière de l'officiel comme à l'obscur des parcours inconnus. Matérialisme du discours. "Circulations".

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