samedi 20 décembre 2008

De "théorie" à "disciplines"

Drôle de se trouver rendu là, aux disciplines. Par la pression politique actuelle généralisée, venant depuis l'orientation du gouvernement Sarkozy, mais aussi lame de fond, française néolibérale, européenne, occidentale, et mondialisée - c'est beaucoup, cette accumulation des forces. La couverture de son application, une donnée nouvelle, cependant, quand elle rentre au détail des chaînes culturelles et sociales.
La pression agissant en débusquant paradoxalement (mais c'est une dynamique historique qui m'apparaît prévisible, maintenant que j'en ai fait l'expérience, historique. Ce bénéfice d'une situation de conflit de plus en plus ouverte : d'un apprentissage de l'histoire, d'une expérience intime de l'histoire, l'histoire des hommes, la politique des hommes, la justice des hommes) - débusquant paradoxalement les conservatismes fondamentaux, ou de régression, de défense.
On entend dire, s'entend dire, des choses extraordinaires, singulières, qui font mesurer, précisément, le changement de la situation d'énonciation. Les termes mêmes ont bougé ; il y a (eu) histoire. On s'entend déclarer des humanismes, des moralités, des républicanismes, des culturalismes, qui non seulement allaient sans dire - dans ce qui se constitue rapidement comme un avant, et déconcerte - mais allaient en doxa contestataire. On s'entend parler des Lettres, (moi-même, précisément, de l'Anglais. Et la dissolution du Département de Littérature anglaise de Paris 8 est mon action, comme effort pour repositionner, prendre le temps d'un now. ça ne va pas sans le déchirement des plans d'attachement où s'équilibrait tout un ensemble culturel et social) ; parler des Sciences humaines et les défendre, défendre la recherche, défendre le doctorat et plus ironiquement les concours. On a vus de reconstituer, avec une aise non-interrogée et tout à fait stupéfiante (on reste sans ressource de pensée, sans terrain culturel/conceptuel sous les pieds, d'un coup franc) la carte la plus traditionnelle des disciplines : effet pratique immédiat, paradoxal seulement si on n'en a pas senti l'inscription à l'avance dans les modèles LMD, de la réforme des masters et des licences.

Point here : à noter, le déplacement du débat ; la ligne d'engagement n'étant tout d'un coup plus du tout la "théorie", ou la "Theory" (qui est déjà un autre temps, à lui-même ; déjà intéressant à prendre comme déplacement historique, avec ses propres effets de transnational), mais les disciplines (avec leur histoire, prise à contre-pied) et la disciplinarité (avec ses enjeux politiques, graves).
D'un coup sec, "théorie" se bloque dans un temps : se date. On savait qu'il y avait ce micro-récit d'histoire intellectuelle, où "théorie" marquait (par F. Dosse, par exemple ; par Sollers en coup d'oeil rétrospectif dans l'avant-propos à la réédition de Théorie d'ensemble) le moment des sciences humaines, pris dans le même mouvement que les déplacements sociaux et politiques de années 1960. Peut-être, d'ailleurs, le temps (maoïste par exemple) d'un arrachage de la pensée politique à son terrain social, d'où en France la possibilité des radicalisations conceptuelles et le trope théorico-culturel de la révolution. Quand le colloque de Nanterre, "Whither Theory?", de 2005 je crois, marquait le coup en forçant l'existence pour "la théorie" dans les études d'Anglais (de littérature anglaise/anglophone?), le plan de débat mis en oeuvre était d'une surface X. On pouvait engager la discussion avec les développements polémiques autour de Theory dans les travaux anglophones ; il y a avait bien un phénomène contemporain autour. Il semble, deux trois ans plus tard (et à this point de vue), moins une actualité qu'un écho sans beaucoup de pouvoir de pénétration, pouvoir de morsure diagnostique sur un présent intellectuel et politique. On ne le sait que maintenant, naturellement.

Cette réorientation donc du champ des enjeux, champ critique : de théorie à disciplines, où on peut reprendre le mouvement Foucault Said postco comme "Politics of Knowledge[s]" et archéologie du savoir etc. Et à la trajectoire sociale des disciplines des "Sciences humaines", qu'on défend (par exemple quand on sabote une réforme des formations des professeurs, qui atteint la pierre angulaire de leurs assises sociales) en oubliant les "Lettres" - et on ne parle pas même des "Langues". Humanities in translation, certainly, and in transition and in globalization corporatization etc. : cette perspective. L'horizon étant nettement politique, du savoir-pouvoir, déclaré.

On a à apprendre des histoires des déclins. A voir. Comme autre chose que l'histoire des conservatismes : mais celle des réinventions, des tremplins critiques. Des arrivées par les biais (que montre C. Charle par exemple).

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