mercredi 10 septembre 2008

Historicisations - politique culturelle du Raj

Les élucidations infiniment précieuses qui viennent avec le travail, maille par maille, de complexification de la perspective pour penser la politique culturelle du colonialisme, britannique dans ce cas - ou, ce qui fait partie du processus, la politique coloniale comme politique culturelle. La culture comme force mise en oeuvre pour le projet de l'ordre colonial. Il s'agit du rapport de la culture au pouvoir, dans son histoire. Masks of Conquest, G. Viswanathan :

. suggestion sur l'espace de l'Inde britannique comme lieu satellite et terrain pour le règlement des conflits métropolitains, par décalage. Une sorte de neutralité, de moindre-importance ou simplement virginité politique, voilà (accompagnée alors des fantasmes de la native Rebellion) - où on peut play them out, et conduire des expérimentations, sociales, institutionnelles, culturelles. Lieu de résolution (espéré) ; lieu de complexification, caisse de résonance. Ce qui m'importe d'abord, c'est cette proposition sur l'Inde comme laboratoire d'anglicité, de politique nationale anglaise : laboratoire du libéralisme, du nouveau capitalisme (dans sa partie intextricablement liée avec l'impérialisme), des nouveaux équilibrages des forces sociales at home - nouveau poids de la middle-class, nouvelles craintes de la nouvelle force inouïe des masses. Penser aux propositions de B. Anderson, dans Imagined Communities, sur les espaces extra-européens d'exercice de l'invention démocratique européenne.
Lieu d'exercice des conflits métropolitains, avec effets de déports, rarement tels que prévus.
Lieu de pression, aussi, et de réaction, des conflits : comment la working class domestique devient un acteur dans les décisions de policy en Inde - et : comment elle devient le prisme même par lequel l'orientation résultante de la politique coloniale est amenée à concevoir le rapport de colonisation comme un rapport de classe. Avec les malentendus politiques graves que ça entraîne, les décalages, les porte-à-faux.

. aussi : garder en tête que le colonialisme britannique est une question de la nationalité britannique - le 19ème, siècle de la nation et siècle de l'impérialisme. Question : car s'y jouent aussi les rapports, sans paix, des nations britanniques : l'Ecosse étant régulièrement la plus turbulente, et moteur de problèmes, moteur de culture. A. Duff, la Church of Scotland en Inde. L'Ecosse en Irlande, aussi, dès Cromwell.

. la diversité des modes de la politique coloniale, et leur concurrence, précisément. Il y a les colonialismes évangélique et missionnaire, paternaliste et aristocratique, utilitariste, libéral (pour le Free Trade : Charter Act de 1813), etc. Multiplicité qui donne les tensions sur le terrain entre politique "secular", des administrateurs coloniaux (dont les Orientalistes), et idéologie évangélique agressive (vers Macaulay).

. une politique culturelle coloniale étant la manipulation, plus ou moins heureuse, du point de médiation entre langues et cultures et sociétés, est en jeu une analyse culturelle et une théorie de la culture, chaque fois. Des théories de la culture, multiples et concurrentes, de la part des seuls colonisateurs même. A. Duff voix des missionnaires (Church of Scotland) contre la logique de l'administration "secular" : la différence se fait ici sur la conception du rapport entre texte et contexte de lecture, effets (de moralisation) pragmatiques. Quoi faire lire aux écoles, mais surtout : théorisation - idéologisation - de ce qu'engage une lecture. Un texte littéraire pouvant avoir valeur pragmatique différente selon les dispositions morales du lecteur, infusées par sa culture.

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