mercredi 21 octobre 2009

Ce que fait un roman : C. N. Adichie

Les frayages effectifs d'un objet-projet culturel, roman. Ici Half of a Yellow Sun, C. N. Adichie, sur la guerre Nigéria-Biafra de 1967-1970. Ce qu'il y a de production culturelle dans le fonctionnement narratif et sémantique d'un "personnage", d'un développement de tonalités changeantes, d'une construction narrative ; des logiques sémantiques d'une "histoire". C'est bien à de tels lieux ("lieux de la culture") que s'accrochent des perspectives, des révolutions douces (or yanking, poignant, appalling).
Ce que contribue le personnage d'Ugwu, ce repos narratif sur une zone douce, secondaire, "enfant", et "local", "peuple" - en constrate narratif avec les sophistications des intellectuels, professeurs, entrepreneuse, beautés bourgeoises etc. Régulièrement les chapitres s'ouvrent par sa scène, pour une relance ; pour toucher terre, pour reprendre le point de vue décalé sur le plan bourgeois, facteur d'histoire (et le drame est que l'histoire lui est graduellement arrachée, quand la cause du Biafra s'affaiblit, étape par étape). Il y a un populisme méthodologique, de ça. Qui vient prendre toute sa résonance quand le lieu d'ancrage de la représentation de l'écriture (Richard était le writer, d'abord en difficulté puis en voix de la nation critique), passe à lui, en toute fin d'histoire. (Relais, à peine ébauché, half-hearted : on n'a pas le temps d'explorer les chances de cette écriture, et son nationalisme.)
Les shifts de ton. Comment on passe de vie bourgeoise, éventuellement "révolutionnaire", à réfugié, en passant par traumatisé de guerre et toutes étapes de pertes et dégradations. Comment on voit bouger les termes d'Olanna, d'Odenigbo ; les carrières des uns et des autres placés à des lieux de l'histoire. Il y a bien un examen de ces changements ; examen des implications de l'histoire.
La question non résolue, alors qu'elle s'affiche un peu comme projet romanesque : mettre Ugwu en position de parole, et écrire un roman en anglais, qui rentre dans la circulation des prix littéraires de l'anglophonie. Et vient se caler dans l'histoire délicate (Achebe / Ngugi) de l'écriture nigériane en anglais : au creux de ses tiraillements. De sa postcolonialité.
Au moins on évite l'un des autres archipels d'écueils qui attendent du côté du diasporique. Ici on est dans le problème de la nation et du nationalisme, et ses divisions ; ses situations africaines, maximalement psotcoloniales.

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