lundi 25 avril 2011

Gramsci et les continuités

L'écriture fragmentée de Gramsci, ou au moins l'état éditorial dans lequel elle m'est disponible, médiatisée encore par la traduction anglaise (prisme irritant, bien qu'avec son utilité et son naturel transhistorique) - rend la lecture pas si facile à faire, à tisser. Du mal à composer une logique de fond, surprise toujours par les revirements locaux, d'un fragment à l'autre.
Mais : le travail de Gramsci, l'épaisseur de sa contribution, est dans cette qualité du travail du continu, dans les champs dogmatiques de la "philosophie de la praxis". A travers les positions taillées à la hache, iron will et logiques molaires de l'état, pression de l'unité et de l'organicité - pourtant bien, le délicat, théoriquement délicat à penser [c'est que la pensée dogmée, les, d'époque, s'y prennent autrement, et impriment fort] la proposition du continu : l'organicité comme principe de continu de "l'intellect" du "common sense" populaire, foklorique et philosophique, au professionnalisme intellectuel, exemplairement.
Le continu, avancé chaque fois par la proposition de l'historique : le développement historique.
Ce compact : historique, populaire (pré-classe, that is, comme compris dans la lutte théorique et politique), organique.

Les langues du Comintern

Lisant Gramsci, et arrivant aux années de création du PCdI, et son rôle de dirigeant du parti à partir de 1924, dont son séjour à Moscou comme délégué - cette note.
Les langues de l'anti-colonialisme, et du panafricanisme. Ce champ, d'histoire politique et de connections discursives intensives.
Mais donc aussi les langues de l'internationalisme communiste. Quid de. Et les pratiques, les inventions, de traduction et d'interculturalité.

vendredi 22 avril 2011

Notes

Lénine, qualités révolutionnaires : la patience, et l'ironie.

Baldwin, sur les frayages critiques dans la masse sociale américaine : "enormous puddings". ("But when try to deal with the American experience, that is to say try to deal with this enormous incoherence, these enormous puddings, this shapeless thing, to try and make an American, well listen to them, and try to put that on a page." In "Notes for a Hypothetical Novel", Nobody Knows My Name.

Poétique - "tâche de", ou "ce que fait"

Historiciser, ce soin, scientifique. Sciences de la culture, "sciences historiques et critiques" (Saussure). Produit par la linguistique (développement d'une théorie de l'histoire, critique de celles de la philologie et de la grammaire comparée. Développements du comparatisme). Produit par, aussi, un mouvement général scientifique - et largement culturel - du 19ème. Où ; par où, exactement ?

Plus précisément par la poétique : socialiser et culturaliser ; discursiviser. Prendre par le discours, comme noeud historique. Du pouvoir au savoir. Du sens aux sociétés.

Sommet G8 des universités

- http://www.university-summit2011.org/index.html pour le site officiel

- http://www.contreg8db2011.lautre.net/ pour le site du contre-sommet

jeudi 21 avril 2011

Vers - agenda

On pourrait partir dans deux projets - qui auraient comme utilité de forcer, par systématisation, les connections et les mises en rapport. De comprendre : qui n'est pas une totalisation mais une historicisation, et un travail diagnostique, stratégique (pour le travail politique et pour le travail intellectuel, critique) :

. ce qu'il y a à enseigner ici maintenant. Prenant appui contre les situations actuelles du système éducatif, ici et plus large. (Les peuples qui y manquent : l'avenue est large ici.) Les enseignements qui manquent, qui s'appauvrissent. Les cartographies sociales, distinctions, distributions sociales qui y sont générées et reproduites, accentuées, poursuites de l'hégémonie.
Un travail critique et culturalisant, socialisant politisant, majeur à faire. Grands travaux. On en sera aux terrassements, et non plus même aux interventions pointues.

. étude des relations de force. Proposition gramscienne. Ses mises en garde sur l'étude, l'analyse, en quoi consiste cette tâche. Les distinctions critiques à pratiquer - trouver comment, où, les pratiquer ; où ça tranche, où ça crise - entre "superficiel" "artificiel" et structurel / superstructurel. Où vont passer les lignes. Pratique de l'histoire.
Où les compacts d'hégémonie, les forteresses (Machiavel).

Percées, entrées, déplacements

. l'histoire législative (et sociale) de la loi sur les associations 1901, sur la laïcité 1905.
. travaux de la Fondation Copernic, d'ATTAC, et autres interfaces intellectuelles publiques - par la photographie et par les pressions à comprendre vers le populisme (Laclau). Fils par Démosphère.
. avec Gramsci (et Louise Michel, Mémoires) : le fil, simple à se dérouler en le suivant, de la pensée socialiste. Entrées de fil en aiguille : par la lecture, et les nécessités du sémantique-politique. (Où l'un embraye-t-il dans l'autre? Sans solution de continuité).

lundi 11 avril 2011

Gramsci

Etonnant, combien la lecture directe de Gramsci (si tant est : lu en anglais pour suivre les généalogies philologiques des Cultural studies et Subaltern studies ; et lu en sélection, par David Forgacs, Reader NYUP) bouscule les attentes par résonances de lecture.
L'index de Forgacs par exemple n'indexe pas "subaltern", for one. A suivre, ça.

Puis : la critique néo-marxiste, critique de l'économisme, de Gramsci ne se fait pas dans le biais du minoritaire, comme j'avais mal deviné. Le prisme qui fait lecture pour moi étant, avec surprise, celui du stato chez Machiavel. Le Machiavel du Prince exclusivement peut-être, à quoi ma lecture se réduit aussi (mais il y a des ouvertures vers la question du peuple - voir les Discours). Enfin quelque chose se dégage pour la compréhension du continu conceptualisé par le marxsime mais ses théories compagnes également, sur l'appareil d'Etat et la société civile etc.
Gramsci pour l'ordre, l'organique ("national-populaire"), intéressé aux formations de l'hégémonie, jusqu'à adhérer, au moins rhétoriquement, à toute force "historique", "progressive" : simplement par la qualité de son décisif, son organique. Amène à des rencontres frontales : l'américanisme (dont sa mise au pas "psycho-physique" des travailleurs, prohibition et moralisme sexuel, et l'épreuve de la "crise d'adaptation" : le "new man" disciplinant son nouveau corps, ou étant socialiement - ou jusqu'à physiquement - éliminé), et la critique de la stupidité européenne qui le critique sans entendre son propre philistinism ce faisant ; le fascisme, comme césarisme et force progressive, si lu comme la relève de la guerre de mouvement par la guerre de position, et la construction hégémonique, concentration de la "forteresse" machiavelienne. Sa thématique des groupes parasites (l'Europe lourde de son histoire, rémanences et niches, qui lui pèse et l'embarrasse dans sa tâche d'histoire).
Energisme
- assez éthiquement neutre comme chez Machiavel : ce scandale performatif, historique. Critique chez Machiavel, c'est la fonction même de son intervention, et de son usage, dans la tradition de la pensée politique (justement par autre chose que la rhétorique classique, discours classique du politique - Fournel & Z : invention d'une nouvelle "langue" du politique - et ses dérivations dans la philosophie politique). Mais à suivre, jusqu'au pied de l'éthique, de l'enjeu. Du peuple.
Et énergisme qui est d'époque aussi : futurisme, modernismes, etc.
Et le jacobinisme : par concentrisme. Par faveur de l'état.
Couleur de ses propositions sur l'organique.

La finesse critique, l'incisif, ne se trouve pas où je l'attendais. Concentre plutôt ailleurs la proposition critique, fait "forteresse" ailleurs : du côté des propositions décoiffantes de Trotsky sur la militarisation du travail et de la production. Productivisme radical. Même critique de la formule de la "révolution permanente" : garde le concentrisme (tiens, Beckett, échos politiques donc), qu'il propose comme un organicisme, des tendances "dictature du prolétariat". Qu'il infléchit non pas contre la "dictature", mais pour le stratégique : guerre de mouvement / guerre de position.
C'est une situation de défaite (période 1917-1929) qui fait le fond de la pression vers ces rethéorisations.

L'incisif : dans l'extension, par exemple, de la notion d'intellectuel. Propositions pour l'histoire des intellectuels : critique d'une sociologie, et exigeant une Kulturgeschichte. Voir.
Voir : comment les Subaltern studies s'y sont branchés? Comment les CS?

mercredi 6 avril 2011

Gramsci, histoire

Avec Gramsci : étonnant de rentrer dans ce bloc théorique par l'incisif du philologique, ou de l'histoire discursive, ou simplement l'effet d'analyse de l'histoire. Ayant en connexion de quoi sentir l'écheveau qui est noué là, par EP Thompson (la formation), par la généalogie des Cultural studies à partir de Leavis ; par aussi le bout de W. Lewis et des modernismes politiques. Par aussi un apprentissage des dynamiques géopolitiques de l'entre-deux guerres, avec l'étude des colonialismes et des activismes anticolonialistes. [Goody, Le Vol de l'histoire].

De lire donc Gramsci depuis une articulation plus déliée, plus détaillée : et comme état historique. Comme travail de repositionnement, à une période caractérisée. Le travail de rethéorisation qu'il y avait à faire. Et que Gramsci a pris en charge, pour une partie déterminante. (Ah, les bonheurs, les flots d'identité, d'être consolidé, de l'histoire : il y a eu ces déterminant, ces décisif, ces oeuvres marquantes, ces performatifs quasi-absolus, absolus le temps qu'une version historiographique peut se tenir).
C'est lui qui me met à disposition le déploiement historique de Marx-Engels, Trotsky-Luxemburg, Comintern-fascismes. Et l'engagement du travail vers une politisation, culturalisation, socialisation ("civil society"), de la "philosophie de la praxis". Cultural turn, qui ouvre (on peut le raconter comme ça, rétrospectivement) vers le Western Marxism, et les possibilités pour la New Left britannique.

Ici l'acquis de la lecture. Ici que ça cumule en des précisions, des articulations (et non des masses). Des connections, plutôt que des massifs. Par l'assouplissement graduel, lent, de l'appréhension par l'histoire.
Bon, et ses incisifs analytique, et ses romantismes de l'identité. De : il y a du sens.

lundi 4 avril 2011

L'état, l'association

L'association, comme mode politique au ras. Ras de l'activité politique, si elle est politique.
Le phénomène de la concentration, du rapport, de l'agrégation. Maillage, colle.
Le droit d'association, coeur du gain démocratique sur la mon-archie.

Une nouvelle maille remarquée récemment dans tel document de politique universitaire (lequel, par quel énonciateur?) : "la société", comme sujet imaginé de la "demande sociale" (soit, l'hégémonie, G...), évoquée comme monde de la production et de l'association. Monde du travail (was it? Il faudrait s'en souvenir puisque c'est de cette paire que se génère la distinction) et monde associatif.

L' "état". Ce qu'est une force politique

Bien l'état, le point focal des propositions du Prince. Fournel & Z organisent bien leur commentaire à partir de ce lynchpin. Et bien à laisser flotter, à la lecture, pour qu'il agrège bien toutes ses significations : qu'il rebatte, réorganise bien les plans de consistance dans la philosophie politique où ont été pensées les unités d'agence de la dynamique politique.

L'état (la situation me permet une accroche, un déjà de négociation avec la proposition conceptuelle là, très-frayant, à suivre dans ses effets de déplacement, exigeante - par l'instance d'énonciation, par l'historicité de l'anthropologie constructible à partir de Saussure et du radical. Benveniste, Meschonnic, mais aussi) : ce pôle d'agrégation de la force politique, qui se met à consister, en prenant parti (autre clé du Prince - à lire avec C. Schmitt ami-ennemi, Sorel, Gramsci, lisant Croce et la "dialectique du distinct", avec Laclau et la conflictualité ingrédient nécessaire avec la formation de peuple). Machiavel pour "l'impétuosité" (sa propre prise de parti au moment où il en vient à l'actualité critique de l'Italie, dispersée et diversement ruinée mais en attente d'un prince prudent et courageux : pour la culbute active de l'occasion, qui est le même mouvement que la bascule du parti. Contre la neutralité. Son entraînement collectif, qui lui fait des amis et des forteresses : des concentrations de masse, pour consister et établir. Tenir et maintenir.
Dynamique des partis, dans le jeu géopolitique avec voisins et étrangers.
Plus le parti que la vertu. La vertu, comme pratique prudente du parti. [Et c'est, ?, le caractère "vide" - au sens de Lefort?, lieu vide de la démocratie - de ce parti, et ses délibérations, qui est la nouveauté, toujours scandaleuse, de Machiavel. Qui décolle la vertu de la bonté : la félicité de la moralité. Par pragmatique de l'état.

Plus l'état que le pouvoir. Ou que la force. Ces concepts peu présents dans la construction des propositions du Prince. Il ne s'agit pas exactement d'eux.

Un autre absent, qu'il me faudrait à situer, est "souveraineté". Comme lieu commun de la tradition philosophique politique, il me semble? Ou justement après? Jean Bodin, fin 16ème.
Qui serait à la fois une modernité de la pensée politique (par rapport à? Le cadre chrétien du féodalisme, et quoi d'autre?) - et une modernité première, dans le sens où Foucault montre ensuite ses déclinaisons historiques vers le disciplinaire et le biopolitique.

Comment du politique

Avec Machiavel, avec Gene Sharp, avec Gramsci : une rage, de chercher comment.

Machiavel : les modes, et nuovo modo. Ce que Fournel & Z soulignent : la recherche des nouveaux moyens d'actions politiques.
Sharp : les self-help révolutionnaires. Cf aussi Lappé, self-help démocratique. Alinski. Dictionnaire des mouvements sociaux.

Le politique, par l'agence. Le sujet par la crise, le mouvement, le changement, l'historicité. D'accord.

je-tu, peuple

La passion est toujours celle de trouver les continus qui permettent d'envisager, de pénétrer (d'y vivre) les zones d'articulation où plèbe devient peuple, par exemple (Laclau), où "seulement individu, volontariste, idéologisme" (Gramsci) s'associe en collectif "organique". Ces tiers espaces de la formation (EP Thompson). Agencements de l'agence.
Et la nécessité de partir de Mrs. Brown, Woolf - oui la bourgeoisie intellectuelle libérale issue du grand victoriannisme lettré, oui le "snobisme" fawning around aristocracy, l'antisémitisme latent, l'isolement apolitique dans un milieu Russel Keynes Fabians Webbs L. Woolf etc. , mais la rue moderne, (les foremothers et Judith Shakespeare éventuellement). Partir de la désolation de l'individualisme, et de l'incompréhension des masses socio-démocrates : la nature de l'association, du rapport médiatisé en tiers politique qui transforme le je-tu social en agencement politique. Partir, comme une ressource radicale, un tranchant d'épreuve : du bas, de la maille, du "terrain" (Gramsci). De la colle. Ses miracles, ses contre-ontologies continuelles. Et de l'irritation à ne pas arriver à comprendre ça, à digérer ça dans un corps à réflexe politique. Apprentissage impossible. Ou toujours apprentissage. Urgence, étude, "recherche historique" (Gramsci).
Partir de l'incompréhension radicale du politique. Comme jeu de masses, excluant.
Partir de l'expérience répétitive, comme un échec quotidien, à sensation psychologique, de l'impossible politisation. Du je n'y suis pas. Et alors la direction par : le peuple qui manque. Et la fuite. Nécessairement cette option.

Ces butées, comme problèmes politiques.
Par la photo : qu'est-ce que je fous là (Depardon), ou : est-ce que donc j'y suis? J'y suis pourtant bien? Ou, même question, regarde comme je n'y suis pas et pourtant il y a la photo, politiquement amusée des déserts. Expérience anti-dramatique des ras du politique.
On y est déjà, comme ça.

Gramsci après Machiavel - situation

Etonnant de lire Gramsci dans la foulée de Machiavel. Avec la question des langues malheureusement (puisqu'on est tout dans l'ordre des félicités, cette discipline intellectuelle toujours exigeante, contre-spontanée souvent, on y mesure ses arriérés théoriques), brouillée par la lecture en traduction anglaise. Après l'intérêt des études de Fournel et Zancarini sur la "nouvelle langue de la politique" du Prince. Que j'ai suivie en traduction française, co-romane.

C'est ce continu que j'ai cherché. Gramsci lecteur de Machiavel, et avec Croce déclinant la lecture de la philosophie de la praxis (relisant Marx pour histoire et politique, à rebours de la vulgate économiste) dans l'histoire discursive italienne. Et l'italienne histoire de l'étude du discursif.

Bloc historique donc (qu'il dit reprendre à Sorel mais l'y construisant), hégémonie comme moment de l'hégémonie et du consentement, etc. Pénétration, par les bribes des carnets - coups de boutoir, mailles théoriques, stratégisme pratique de l'analyse - dans la vulgate économiste du marxisme, prise à son temps de fragilisation à l'ouverture des carnets de prison, 1926. Post période révolutionnaire.

Avec Machiavel : la question de la "qualité des temps". De "l'occasion". De la situation, alors même que toute la réflexion s'organise par le laboratoire autour de "l'état". Fournel & Zancarini le soulignent, en dont le point de mire, générateur théorique.
Qualité de l'historicité. De quoi est composé un ordre historique - un état d'équilibre d'un agrégat de pouvoir. De quoi est composé cet agrégat qui a trouvé sa stabilisation ; et comment sa situation est "basculée", "culbutée".