lundi 21 novembre 2011

Laclau, Rancière - peuple, discours


Comment Laclau se positionne avec soin, placement critique, vis-à-vis de Zizek, de Negri et Hardt (Empire et multitude), et de Rancière. Comment par là il me dessine le paysage de la New Left, and "What's Left" of. Plusieurs décennies plus tard, et après l'entrée en régime de Mondialisation. 

Fait apparaître pour moi des précisions sur ce qui freine dans Rancière. P. 246 : "Rancière rightly argues that political conflict differs from any conflict of 'interests' in so far as the latter is always dominated by the partiality of what is countable, while what is at stake in the former is the principle of countability as such. [...] But this means that there is no a priori guarantee that the 'people' as a historical actor will be constituted around a progressive identity (from the point of view of the Left). [...] Rancière identifies the possibility of politics too much, I believe, with the possibility of an emancipatory politics, without taking into account other alternatives" - Fascism coming to mind immediately.
Reprenant pour l'approuver la distinction de Rancière sur police / politique, qui recouvre quelque chose de proche dans Laclau lui-même, sur politique / peuple dans la dynamique constitutive de l'hégémonique. Reprenant très particulièrement, au niveau de l'analyse, le concept de sans-part, et du paradoxe démocratique de part pour le tout. Il pointe vers les lignes de frein donc : la gauche chrétienne de Rancière, qui tisse la démocratie comme politique avec la conservation active du concept de lutte des classes - alors que Laclau l'historicise vers les réalisations multiples, contingentes, reconfigurées par le jeu hégémonique continu -, comme une continuation du concept de pauvres (ceux qui auront à hériter du Bien, ceux qui méritent l'amour d'un don, d'un rendu ; une justice du coeur), et dans le trope automatique de l'émancipation. Un salut. Le pauvre recevra l'émancipation, qui lui est moralement due. Alors qu'il s'agit d'hégémonie : d'articulation, qui peut aussi se combiner de tout bord.
A quoi Laclau répond, en critique de ce sociologisme résurgent : par un (self)encouragement péroratoire, 249-250 : vers "obstinate rigour" (qu'il prend, curieusement à Léonard de Vinci), "never succumb to the terrorism of words" (quelque chose comme l'injonction lacanienne, ne pas céder sur), ciblant "one of the main forms this faintheartedness takes in our time is the replacement of analysis with ethical condemnation." Holocaust, Fascim. L'évocation de l'éthique reprenant par touche les termes initiaux du livre : critique des processus de condamnation du peuple par les psychologues des foules. Contre l'éthique donc - et ici le christianisme actif de Rancière -, l'insistance de l'analyse : "the politico-intellectual task as I see it today" ; "the return of the 'people' as a political category ; et le centrage analytique sur le peuple comme "contingent and particular forms of articulating demands" ("not an ultimate core from which the nature of the demands themselves could be explained").

Discours - et discursive approach(es) to the question of social identities"
Foucault, Gramsci, Althusser de manière déterminante à Paris. Je continue à me rendre mieux compte combien. 
Proposition de Laclau dans cette tendance collective : 250, "forms of articulating demands". Intéressant cette dernières formulation, non soulignée comme une avancée encore du propos, et pourtant en constituant bien une, par la nouvelle maille effectuée. A lire dans la continuité de la ligne althussérienne, de l'interpellation (et du discours-pouvoir chez Foucault) : l'articulation comme combinaison contingente de l'hégémonie comme bloc historique [pourquoi il n'utilise pas cette notion?], mais aussi l'articulation comme énonciation. On s'approche de la proposition de l'agencement collectif d'énonciation, qui reste pour moi un cadre opératoire. Toujours par là, le désir de travailler à penser ensemble agency (toute la ligne gramscienne) avec l'agencement. Le sujet politique étant une "identité populaire" nécessairement. Et énoncée. Dans les termes de Laclau : produisant ses signifiants vides.

Possibilités d'une critique du spinozisme / nomadisme de Deleuze ici?, dans le même geste que celle de Negri et Hardt. La limite étant un libertarianisme, qui refuse de penser les articulations historiques - les blocs. A suivre.

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