mercredi 2 avril 2014

Samskara

Ananthamurthy, un grand texte, une superbe machine qui laboure, profond, large. Dans l'épaisseur historique des socialités indiennes puisque prenant le brahmanisme le plus purement traditionnel, l'agrahara comme scène, puis les communautés moins-brahmanistes, Musulmans, outcastes, les familles qui tressent des rapports en travers, les villages et la ville, les savants du védisme et leurs formation à la dispute à Kashi, les articulations internes des cultures spirituelles - Praneshacharya savant et guide et parangon brahmanique, qui passe par une expérience, une transition, du côté de l'érotique indienne, qui le lance dans l'itinérance spirituelle dédogmatisée, forêts chemins poussière rouge étapes auprès de villageois et festivals de temples. Et le texte dans toute la poétique Shakuntala.
Avec la complication narrative du contraste, opposition, du Congrès. Et les intertextes constellés, incluant Camus, et un centre allégorique qui fonctionne autrement que les métaphores et mythes et puranas en place : la peste. Riche feuilletage étoilement, complexe et lucide à la fois. La qualité du roman, exercer explorer cette complexité, tous ses rayonnements, qu'on parcourt lentement, letting them sink in as we are able to.
Plus une sobriété, netteté narrative, plus (ou on ne sait pas bien si c'est en plus ou en soi) la traduction de AK Ramanujan, magnifique, souple, transparente, presque odorante dans sa saveur. Ici aussi l'érotique et la pastorale de la culture indienne classique. Le sud y est aussi en quelque chose, la douceur, sweetness, ici du Karnakata, et du kanada, on y rêve au moins, on essaie de tendre les sens vers y reconnaître quelque chose.

Rien que 'Samskara', et les notes précises et en retenue de AKR, sont un nœud où il y a à abîmer une attention longuement. Espace philologique d'exercice de tout l'indianisme et de ses articulations délicates avec l'indianité. Pour un étudiant de l'Inde, un terrain de formation, de problématisation, capital - autrement et en compagnonnage fertile, contrastes fins, avec Kanthapura.

Et puis la question des textes traduits : comme l'articulation avec des textes indiens écrits dans des langues autres que l'anglais amène directement la question de la littérature comparée : et quelle littérature, quelles dimensions de la littérature on doit solliciter pour s'engager dans une lecture. Critique, structurellement, du textualisme, et levée du cran d'arrêt de la V.O. Bon à ouvrir en grand. Quelle littérature passe.