vendredi 14 avril 2017

I Am Not Your Negro - Baldwin et innocence

A Londres pour la nuit, hôtel à côté du Renoir, I Am Not Your Negro, de Raoul Peck, à partir des trente pages de proposal, Baldwin, pour un livre à intituler Remember this House. "Journey", dit-il, dans l'histoire des trois assassinats M Evers, Malcolm X, ML King.
Exercice et exploration cinématographique en eux-mêmes forts. "Journey" de R Peck.

Mais Badwin : toujours aussi perçant, pénétrant, et ici longuement montré en séquences télévision, documentation de "journey" et retours à Birmingham Selma Atlanta (et même, englobant, retour de Paris à Harlem, face it), discours (Oxford Union), brillant. Rappelle son positionnement original : ni les églises, ni les jeux sociaux de la NAACP, ni le "racisme" de la Nation of Islam ou des Panthers, et s'affirmant Western man. Rappelant avec son pouvoir ironique parfaitement acéré combien un upstart de l'américanité, arrivé hier on these shores, Robert Kennedy, à de culot tranquille à annoncer visionnairement la possibilité d'un président noir dans 60 ans, pendant que les Noirs, càd les toujours mélanges de familles N&B toujours ré-ségrégués par la racialisation, sont là et americains depuis 400 ans.

La grande proposition de Baldwin : que la question n'est pas la "Negro question" mais celle du pays, et que cet argument n'est exactement pas un humanitarisme de bonne volonté antiraciste, ni un retournement amer en expression de l'esprit impuissant (figure inspirée de logique psychanalytique). Pas les rhétoriques connues, qui font des écoles de discours dans l'histoire dès race relations,. Mais : que c'est précisément la ségrégation des noirisés qui rend intenable, profondément artificielle et brittle, l'innocence américaine. J'aimerais me souvenir du terme qu'il donne en pendant à l'innocence, aussi éclairant. L'Américain innocent et?? Ce n'est pas sentimental, pas ignorant **. Pour sûr, une irresponsabilité.
Ironie percutante quand il épingle Doris Day et Cary Grant comme les expressions "the most grotesque" de l'innocence américaine. John Wayne trucideur d'Indiens, mises en scènes de la vengeance comme traitement psychologique de la culpabilité du massacre. Scènes ici terriblement bien choisies par Peck, films de comédies musicales excessivement propres, démonstration éclatantes de prospérité, pendant les décennies de ghetto et violences policières. 
Que la constitution sociale américaine, prospère et oblivious, génère sa virginité au prix d'une fragilité nationale et subjective qui est son problème. Un accès barré à la subjectivité, produisant des formations de compromis dangereuses. Sentiment de soi, savoir national.
Quoi faire des Noirs ? Et ignorance des vies noires. Lié au consumérisme libéral, au libéralisme consumériste. 

Les images d'archive mises en montage par R Peck en écho éloquent avec les scènes actuelles, non seulement BLM mais aussi les White Power, jeunes racistes propres sur eux et dents blanches d'assurance, plus âgés aux mâchoires agressives et regards fielleux, pancartes à messages infects. Les, des, Américains de toujours donc. Continuités impressionnantes.

(Les spectateurs flinch pendant images de Rodney King police beatings etc. ; je mesure ça aux images que je reçois des relations de caste en Inde, quotidien de l'horreur ; l'horreur est un quotidien, c'est l'ignorance et innocence des philanthropes qui fréquentent la DocHouse du Renoir qu'il y a à voir ici. Elle, à penser, à traiter.)

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