dimanche 23 octobre 2016

Philosophie et postcolonial - pouvoir et vérité

Très heureuse que le projet d'une discussion soit devenu possible et confirmé, autour de la place de la philo dans le débat sur postcolonial/décolonial en France. Mis au programme des Généalogies de mondial pour mars prochain.
Lecture de Mignolo, qui ouvre pour moi (enfin) la vue sur tout ce qui change du paysage quand on y ajoute l'histoire latino-américaine - autre temporalité coloniale et mondiale (Renaissance), autre domination culturelle (dont catholique), autres transformations géographiques (de la Méditerranée classique à l'Atlantique moderne), qui impliquent très singulièrement l'histoire du rapport entre les deux monothéismes et les partages changeants entre ouest et est, Jérusalem Séville Colomb-ie. Reprend bien largement tout le pan commun avec l'histoire de l'Islam, l'histoire arabe, et l'histoire du Maghreb (si on prend par Khatibi, pour un exemple ou une ligne d'histoire intellectuelle marquante).

Intéressant dans ce contexte de voir émerger des reliefs également inconnus, mal imaginés, des différentiations disciplinaires, ou plus largement discursives, dans les générations successives d'intellectuels travaillant à la critique du colonial. Des José Martí à la dependency theory et les analyses marxistes économistes du néocolonialisme/impérialisme états-unien, à A. Quijano sociologue et E. Dussel philosophe.

Les aspects de l'histoire de la philo s'en trouvent éclairés à neuf, à grands effets de suggestion.
Replace la philo dans sa genèse grecque, qu'on pourra reprendre dans Castoriadis - invention critique du projet de la vérité, dans un rapport à une situation du pouvoir. 
Qualité néoclassique de la philo du 'siècle de la philosophie' (réf d'Alembert ici, Mignolo en repasse soigneusement par ces étapes), 18ème et Lumières moment de la marginalisation de l'empire
espagnol, de la rupture généalogique avec l'Islam, de la sécularisation, le tout dans le mouvement de la modernité.
Devenir de la philo dans la suite des étapes de l'histoire des luttes intellectuelles. Black Athena sans doute, il faudra revoir. Ainsi que la part des philosophes africains, dès le Congrès de 1956. Bachir Diagne donne aussi, reconstruit substantiellement, la ligne de la philosophie d'Islam en Afrique.
La période de l'anti-colonialisme final, celui qui amène aux Indépendances de l'après-guerre, est contemporaine et constitutive de la période de 'l'intellectuel'. Période dont Sartre fournit un visage, pour le compte de la popular culture disons. Fanon, Cabral, Guevara, aller jusqu'à Mao ?, et donc en repartant par Lénine. Les intellectuels révolutionnaires, où faire compter, prendre depuis, Gramsci. Action politique par les idées.
Position de la philosophie ici ?
Et conflit des facultés, et gestion de la grande bifurcation marxienne, entre décrire et transformer 'le monde'.
Car il faudra aussi compter avec les théologies de la libération, dans leurs différents âges et leurs différents acteurs, et encore toutes les autres formes, écoles, pratiques, formations discursives. Poèmes bien sûr aussi.

Il y a la caractérisation des marxismes comme philosophie, qui contribue aussi une complexité au cœur de l'anti-impérialisme, et en fait même un projet entier pour repenser et refaire le rapport de la philo à la société et au pouvoir.
Où le positionnement que se travaille Said quant à la posture de l'intellectuel - dire la vérité au pouvoir - est à la fois une intervention dans ce débat et à la fois ne fait qu'égratigner la surface. 

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