Critique de la critique de l'orientalisme : il y a tout le débat Rodinson sur Said en particulier, et le 2e chapitre de La Fascination de l'islam, de 1976/1980, s'y confronte.
Rodinson parle pour le "positivisme" des études orientales, et pour leur acquis philologique, tout en mesurant les limites à la lumière acceptée de la critique sur l'eurocentrisme etc.
Mais il prend position critique vis à vis des nationalistes et "spécialistes indigènes" et les "plus bruyants" d'entre eux, ainsi que vis à vis des soutiens anticolonialistes qu'ils ont en Europe, quand ils tendent à l'apologétique.
L'argument : les expressions du rejet des sciences européennes modernes comme coloniales, mais l'absorption, masquée ou déniée, des résultats et usage des matériaux et concepts de ces sciences. La question n'est pas celle d'une polémique, revanche, injustice, idéologisme primant sur le scientifique. Mais celle en effet de la dynamique des idéologies : la faiblesse scientifique et alors politique de ces positions critiques (anticolonialistes, nationalistes, "indigènes"), non dans leur captation déniée, mais dans l'absence - ou la présence alors, c'est l'enjeu de leur discussion - d'une théorisation renouvelée, effectivement le travail critique fait, du rapport entre idéologie et épistémologie. Y a-t-il une telle proposition, sur quelle base, sur quelle refondation critique de base. (cf, tiens, le premier cours donné par Saussure à l'EPHE : commencer contre les unités voyelle-sonante-consonne, commencer en posant autrement, et alors déroulant toute la re-théorisation.) Il y faut une théorie de la culture - nécessairement critique, dans ce cas, des théories eurocentriques dans leur eurocentrisme (l'accusation idéologique ne suffit pas) et dans leur théoricité.
Le terrain que se donne Rodinson, et qu'il parcourt avec poids : justement la dynamique historique de l'idéologique, contre l'idéalisme d'ailleurs en pratique. Et alors, dans son épistémologie, soignée, et historicisée, dont conjoncturellelent pour les besoins en réflexivité de la crise de l'orientalisme (comme de la crise de toutes les disciplines au tournant des 60s), de la recherche, et des champs des études orientales et études islamiques en particulier. Il y trace à chaque jalon possible le profil (tiens, il dit faciès) du nouage épistémologie / idéologie.
Pour l'orientalisme, il souligne la domination de la philologie, "positiviste" (par auto-défense) mais aussi agnostique, et alors susceptible d'être emportée par toute idéologie, ou "idées générales de l'époque" qui traîne hors du champ fort occupé de "l'immense travail" de l'apprentissage des langues, de la critique des textes et de la fabrication des"instruments de travail", champ de l'orientaliste. Hors de ce champ : les sciences humaines qui viennent changer la règle du jeu, contre l'accumulation détaillée et spécialisée des matériaux, la pratique du problème (cf Jakobson, Benveniste et al.) ; le philosophisme qui (se) donne (comme) le cadre des généralisations et synthèses ; les idéologies qui traînent s'agissant du rapport social des pays européens avec les pays de "l'Orient" et l'islam - héritages d'idéologies savantes des siècles précédents (plus capables de produire leur propre idéologie, par ex. type l'universalisme des Lumières), éloquence et audibilité publique (presse, literature, dont de jeunesse) des missionnaires chrétiens, des colonialistes, de la politique coloniale et orientale des gouvernements, etc.